mardi 21 décembre 2010

PARA ONE - Animal Style / Nevrosis [BNRTRAX004]


Note d'intention

Premier vrai post, premiers choix. D'abord le choix de parler de morceaux anciens (disons plus de 6 mois) ou de morceaux coups de coeur qui sortent maintenant. J'ai opté pour cette dernière solution. Pourquoi ne pas prendre du recul sur les morceaux et attendre de voir comment ils vieillissent ? Simplement parce que je crois que la musique électronique actuelle n'est pas comme ça. Les choses se passent vite et il faut les analyser à l'échelle qui leur est pertinente. Aussi parce qu'en publiant des articles sur des morceaux sortis il y a 1 an, le temps à rattraper serait trop long vu le rythme effréné des sorties et qu'ainsi, je ne publierais probablement jamais de papier sur une sortie récente. J'ai donc choisi de parler de mes anciens coups de cœur à l'occasion d'une nouvelle sortie des artistes concernés. L'envie d'être au plus proche de l'actualité donc, mais aussi de prendre par rapport aux autres blogs de la distance sur la musique produite, en passant plus de temps à décrire, commenter et analyser. Dans cette tension entre d'une part la rapidité des sorties et d'autre part la lenteur d'une analyse, j'espère trouver un nouvel espace pour parler de la musique différemment. "A tiède", diraient certains...

De l'ancien et du nouveau

Para One - Animal Style
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Para One - Nevrosis
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C'est un retour aux origines que nous propose Para One avec ces deux morceaux. Retour aux origines d'un son brut, tout droit sorti des machines. Retour aux origines du mouvement techno et de la musique de rave. Là où certains se perdent dans la surenchère d'agressivité gratuite ou dans la légèreté à outrance, Para One tombe juste en proposant deux bons vieux morceaux techno dans la veine du Crispy Bacon de Laurent Garnier. Tout est là: un beat indestructible, comme une locomotive lancée à pleine vitesse, et des aigus saturés entêtants qui mettent en transe. Les breaks sont peu nombreux et courts, souvent rythmés: ces morceaux-là ont clairement été usinés pour nous faire danser et ça marche !
Réussir un morceau techno de base (comment traduire "straight" techno sans le côté péjoratif ?) est un exercice extrêmement difficile, où l'on est à chaque moment sur le fil du rasoir. Pourquoi difficile ? Parce que la techno est essentiellement basée sur la répétition tout au long d'un morceau d'un même motif très court et qu'à chaque moment, la lassitude nous guette. Il faut du génie pour que cette litanie du même ne mène pas à l'épuisement et c'est justement de génie dont fait preuve Para One avec Animal Style et Nevrosis. C'est assez enivrant de s'apercevoir du peu qu'il faut pour faire un morceau de qualité et c'est tout aussi enivrant de se rendre compte de la minutie avec laquelle on doit s'appliquer pour que cela tienne avec si peu. Dialectique du peu et du beaucoup donc, à laquelle Para One répond par un jeu du quantitatif (une basse de quelques mesures, 4 notes tout au plus) et du qualitatif (la magie des transitions, de ces montées en puissance dans le morceau).
Quelle récompense pour une si dure entreprise ? Un morceau qui met littéralement en transe, qui permet de s'abandonner au motif de la répétition, qui tend l'écoute à l'extrême jusqu'à la rendre sensible aux plus petites variations, un morceau qui nous transporte dans une introspection cathartique. Pleins d'images aussi (c'est un des points fort de Para One qui a fait la FEMIS, cette célèbre école de cinéma parisienne et qui est aussi réalisateur) et c'est à ce niveau que de mon point de vue, les deux morceaux ne se valent pas. Dans l'un comme dans l'autre cette impression d'être téléporté dans l'habitacle d'une voiture lancée à 250 km/h sur une autoroute bondée un jour de verglas... et qu'il ne peut rien nous arriver. On se sent capable, en capacité plutôt. En puissance. Mais alors que le ressenti s'en tient là pour Animal Style, Nevrosis va plus loin. Peut-être à cause de ce magnifique synthé qui débarque vers 1:45 min pour nous emmener au-delà de cette sensation de capacité, au-delà de la puissance. Qu'y a-t-il au-delà de la puissance ? Le courage semble me crier Para One. Autoproclamé Capitaine du Titanic, je dois tenir bon face au ciel qui se déchaine (le côté prophétique de cette suite de notes fait joliment écho à la litanie religieuse du même asséné). Le courage de tenir bon donc, pour les autres, les passagers du navire perdu dans la tempête. Pas étonnant qu'épique soit un des termes les plus employés dans la description de la musique électronique. L'aspect indéniablement épique de ce morceau fait d'ailleurs écho à sa construction quasi-classique: j'y retrouve la structure de l'Odyssée d'Homère (exemple épique s'il en est !) avec un équilibre initial (jusqu'à 0:45), une perturbation (jusqu'à 1:45), une réaction (jusqu'à 3:30) et une conséquence. Pour toute ces raisons, Nevrosis est pour moi un morceau d'une très grande envergure, preuve que le génie ne se trouve pas toujours dans la nouveauté mais parfois aussi dans un classicisme maîtrisé.

Pour aller plus loin

Electric Rescue - Ambivalent
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Electric Rescue - 100 steps
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Electric Rescue - Silly Froggies
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Shadow Dancer - Boss Rush
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Shadow Dancer - It's Everything
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Benny Rodriguez - 92
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Benny Rodriguez - Rotterdam
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Benny Rodriguez - Lekker Stuiteren
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Laurent Garnier - Crispy Bacon
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Birdy Nam Nam - Worried
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Boys Noize - 1010
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Jan Driver - CS40M
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Pour celui ou celle qui sort convaincu(e) de la lecture et/ou de l'écoute de ces morceaux et qui souhaiterait aller plus loin, voici quelques pistes. D'abord le sous-label TRAX de Boys Noize Records sur lequel est sorti cet EP. 4 sorties seulement pour ce tout jeune label qui a fait le pari du tout digital et qui laisse une grande place à la créativité pour les artistes qui y signent:
- Electric Rescue - Ambivalent (plus syncopé, plus expérimental, je conseille le morceau 100 steps)
- Shadow Dancer - Boss Rush / It's Everything (très réussi, plus noir, plus introspectif)
- Benny Rodriguez - Rotterdam Rave (Tribute) (plus agressif, moins réussi selon moi...)
On réécoutera le merveilleux Crispy Bacon de Laurent Garnier cité plus haut et quelques morceaux du deuxième album de Birdy Nam Nam: Manual For Successful Rioting. Plus récemment, je pense au 1010 de Boys Noize (encore lui !) et au CS40M de Jan Driver (encore sur Boys Noize Records...).

Voilà, le ton est donné.








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